Le pré-prototype, le vrai

 L'attrait du complexe

    De tous nos essais de simplification du véhicule plusieurs constats se sont confortés. Le premier et le plus important, c'est qu'il est extrêmement compliqué de faire simple. Ce qui est notre fondement, une simplicité accessible au plus grand nombre. Mine de rien, on a vite fait de s'équiper et de faire de la pièce sur mesure et du matériel de pointe. Mais on tombe vite dans le biais inverse également, à savoir réfléchir encore et encore jusqu'à trouver la réponse parfaite et complète. Ce qui est impossible. Le plus difficile est donc de trouver l'équilibre entre "faire" et le "s'arrêter et réfléchir". Parce qu'il faut s'y mettre et construire concrètement si on veut se rendre compte de ce qui ne fonctionne pas dans la réalité (c'est-à-dire hors du dessin ou même de la 3D). Et il faut aussi savoir se poser pour éviter de tomber dans la "technique solutionniste", à savoir une approche qui consiste à résoudre chaque problème par une solution technique qui, généralement, engendrera de nouveaux problèmes résolus à leur tour par une autre technique et ainsi de suite jusqu'à avoir un véhicule bourré de complexité.

Les trouvailles de Dorian.
Ça, par exemple, c'est carrément complexe

    Forts de cette philosophie, second constat est qu’il est relativement impossible de faire une propulsion simple avec plusieurs roues arrière. Dès qu’on ajoute une seconde roue, il faut un arbre, un différentiel et d’autres pièces soit coûteuses, soit difficiles à concevoir. Alors, pour rester sur un véhicule simple à fabriquer par tout le monde (et notamment par moi), il n’y aura qu’une seule roue à l’arrière de cette version du Snake bike.
    Troisièmement, étant donné qu’il n’y a qu’une seule roue arrière, il n’est pas question de soulever l’avant pour s’accrocher, tel une remorque, à un prédécesseur. Donc nous avons un véhicule qui, même accroché à d’autres, voit ses trois roues toujours au sol. Cela permettra aussi d’avoir plus d’adhérence et de stabilité. Certes, à fortiori, nous perdons en performances, mais la performance n’est pas notre sujet. Pour être performant, on aurait fait un vélomobile, la Ferrari des vélos, mais pas un Snake bike.
    Après moultes tergiversations et essais infructueux, nous sommes partis un tricycle plutôt haut avec une roue arrière pour la propulsion musculaire et deux roues avant pour la direction. La roue arrière est une Nexus car il est capital de pouvoir changer de vitesse à l'arrêt et ce pour une raison simple : si le conducteur a arrêté le véhicule sans que vous ne vous y attendiez, alors il vous faut pouvoir revenir dans la semoule pour démarrer. Pour le système de “chaînage” entre Snake bikes, nous partons à priori sur des boules de remorque tout à fait standards, encore une fois pour éviter de faire du sur mesure et être compatible avec l’existant (remorques et, pourquoi pas, boule d’attelage de véhicules roulants à moins de 50 km/h).

Une propulsion simple


En fringues de travail, à s'arracher
les cheveux sur une pièce qui refuse de
fonctionner, on a vite l'air d'un fou !

     Sur Hollandbikeshop, on trouve la majorité de ce dont nous avons besoin pour faire un Snake. J’ai créé un fichier tableur pour suivre un peu le total des achats nécessaires pour en fabriquer un de zéro. C’est mal parti pour qu’on tienne la barre de sous les 1500€, mais bon, nous verrons plus tard les optimisations qui peuvent être faites. C’est un prototype après tout.

Néanmoins, impossible de trouver des roues 20 pouces avec un axe balèze (12 ou 14 mm) et de quoi fixer des freins à disque. Pour le second prototype, il faudra passer par la case “composer sa roue soi-même”. Avec ce que j'ai trouvé, on serait à peu près à 31,68€ (axe) + 13,64€ (jante) + 7€ (28 rayons) = 52,32 €. C’est moins cher que la roue précédente qui ne fait pas freins à disques, mais c’est sans compter les heures de rayonnage (ni le prix de l'équipement de rayonnage). Donc, à voir… Le mieux serait encore de trouver, éventuellement ailleurs, la roue “à notre pied".
 
    Pour la structure, j’ai acheté deux bastaings de 2 mètres. En demandant conseil au vendeur de la menuiserie, il n’a pas trop su m’aider sur le meilleur bois à choisir, le projet étant un peu trop spécifique pour lui, on comprend. Donc j’ai pris du sapin rouge, le plus costaud (et le plus cher -_-) qu’il avait. On va tester et voir ce que ça donne. J’ai surtout peur que ce soit super lourd. L’avenir nous le dira. Mais de toute façon, on est encore sur du pré-prototype ici, histoire de finaliser les dimensions exactes et confortables. Et puis, je suis plus à l'aise avec le bois, que j'ai beaucoup travaillé dans d'autres circonstances, qu'avec le métal (pour lequel notre équipe est également peu équipée).

    Je fais un petit aparté pour tous les prototypistes amateurs qui n'ont pas un atelier dédié parfaitement garni, parce que, me concernant, j’ai l’impression de passer mon temps à aller acheter des mèches. Aujourd’hui je suis retourné au magasin de bricolage pour prendre des mèches de 14 bois et acier et une autre en 40 bois et acier. Et de retour sur le prototype, environ 10 minutes plus tard, voilà il me manque du 10 en métal… C'est exactement comme dans la bâtiment (plus mon domaine) et comme le dit souvent mon père : "le plus long dans les travaux, c'est d'aller chercher ce qu'il nous manque".

    Bref, mis à part ça, on arrive sur une base élégante et plutôt simple à fabriquer.



Bien sûr, il manque les pédales et la chaîne, mais grosso-modo, on visualise la structure. Passons maintenant à la direction.

Une direction élégante

     Pour la direction, tout pareil, on essaye de faire au plus simple. Nous avons donc opté pour de simples équerres en lieu et place des fusées.


Une seule ne tenait pas assez alors on les
a doublées (2x 3mm d'épaisseur)

    Je vais sûrement enfoncer une porte ouverte pour beaucoup, mais n'étant pas issu du monde la mécanique et n'étant pas non plus particulièrement passionné par les techniques de pointes, il a fallu plusieurs échecs notoires pour enfin comprendre l'importance des roulements. Au début, on faisait avec de la récup' et, après avoir découvert en plus que 123roulements était basé à côté de chez nous (à Lesquin) et qu'il était dons possible de s'y fournir en y allant à vélo, tout un univers s'est ouvert à nous. Et maintenant je réalisé à quel point le roulement a été une des inventions les plus incroyables du précédent siècle, si ce n'est la plus importante. C'est à la fois simple et complexe. C'est beau ! Et surtout, dans notre cas, ça nous fait passer d'un proto bancal et "àpeuprétiste" à quelque chose de sérieux, qui roule et qui tourne bien. Et ça, ça fait tout de suite pro, sans forcément l'être.

    Donc, à partir de là, il "suffit" de quelques paliers, de rotules et de roulements à bille pour faire la direction qui devrait être la plus simple possible.

Vu du dessous. Une poignée de direction
reliée à la "fusée".
Le dessous de la bête.

 

    C'est correct, c'est fonctionnel, mais là encore nous avons perdu pas mal de temps sur une bêtise : une fois la direction et le siège installés, il se trouve que la chaîne ne passe pas tout à fait, ou alors au prix d'un chemin sinueux de la chaîne. Donc, plutôt que d'apporter une solution, on préfère venir à l'origine du problème et rehausser le siège pour que la chaîne puisse passer tout droit.

La chaîne pourrait faire un détour...

Mais on modifie plutôt la structure pour que
ce soit "naturellement" adapté.



Un pré-prototype fonctionnel

    Nous voilà donc avec un premier pré-prototype fonctionnel. Celui-ci, à son tour, est très instructif et, à l'assemblage comme à l'usage ne remplit pas notre cahier des charges. Il va donc falloir encore faire des modifications pour se rapprocher un peu plus de ce que l'on cherche à faire.

 

Dans ce qui est bon :

  • La ligne de chaine simple et droite, c'est très confortable.
  • De même, le tendeur que nous avons choisi se fixe facilement et remplit bien son rôle.
  • Les barres de direction sur les côtés du siège offrent un confort très appréciable (on conduit dans une position de "repos", sans avoir les mains sur le volant/guidon).

Dans ce qui doit changer :

  • Pour que le système de chaînage soit vraiment le plus simple possible, il faut que le Snake puisse devenir "remorque". Donc, on repense à la propulsion avec deux roues. D'une part parce que michelv85 (sur le forum du fabmob) assure qu'une propulsion d'un seul côté fait largement l'affaire ; d'autre part parce qu'on va tester ce kit de conversion tricycle qui pourrait nous simplifier grandement la tâche.
  • On va monter le siège un peu plus haut (en somme, dans les 60-70 cm du sol) pour avoir une bonne hauteur et sécurité ressentie.

Affaire à suivre, il y a encore du boulot !

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